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Réussir le tournant énergétique

par le 8 Oct, 2015 dans Nouvelles, Politique | 2 commentaire

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Après Fukushima, la Suisse était, avec l’Allemagne, un des rares pays à avoir opté pour la fin de l’ère nucléaire. Les déclarations étaient courageuses et la détermination sans faille. Mais c’était sans compter avec la patience de l’industrie électrique qui en a vu d’autres. Lorsque le moratoire nucléaire a été déclaré en 1990, Michael Kohn, un des grands patrons des entreprises électriques déclarait « das sitzen wir aus » (on attendra que ça passe). Dans l’après Fukushima, l’industrie compte à nouveau sur l’oubli et sur l’érosion de la détermination; après quatre ans, il est vrai que la mémoire s’estompe, alors que la misère et les dégâts sur place n’ont que peu diminué.

Pourquoi est-il si difficile de prendre un tournant pourtant décidé par le Conseil fédéral et le Parlement en 2011 déjà ?

C’est probablement l’insuffisance à penser en termes « systémiques », c’est-à-dire en incluant dans la réflexion tous les aspects, directs et surtout indirects, qui influent sur une nouvelle situation. Je l’écrivais déjà il y a trois ans dans un article paru dans Le Monde économique, depuis rien n’a bougé.

Ainsi, dans l’après-Fukushima a-t-on négligé les situations de rente de l’industrie énergétique, propriétaire de grandes structures de production et dépendante des réseaux à haute tension. Les réflexions des responsables ont de la peine à se réorienter afin d’imaginer des réseaux à moyenne et basse tension alimentés par une infinité de petites unités de production.

Lobbyistes écoutés, mais essentiellement compétents en fonction des anciens paradigmes, ces responsables ont influencé la pensée des politiques qui, de leur côté, ne possédaient pas forcément les savoirs techniques suffisants pour développer leur propre vision alternative.

C’est pour cette raison que les Smart Grids peinent à décoller alors qu’ils permettraient de résoudre nos problèmes énergétiques rapidement. Mais dans ce cas, l’industrie énergétique devrait se réformer en profondeur, ce qui n’est pas le vœu le plus cher ni du management ni des actionnaires. Là encore, j’ai eu l’occasion de l’écrire il y a trois ans dans un article pour Le Monde économique.

Le sujet avait déjà été soulevé et traité par des spécialistes de la question lors d’Energissima 2011. La brochure qui en a résulté, « Energies renouvelables et Smart Grids : accélerer leur mise en œuvre pour garantir l’électricité, courant vital pour notre société », parle de l’aventure d’un moment, celui de découvrir le prix du courant nucléaire (4.- chf/kwh) si l’industrie électrique devait s’assurer contre les risques au même titre que tout automobiliste doit s’assurer en responsabilité civile. Aventure d’un moment aussi, car on anticipait déjà l’essoufflement de la détermination, le lobbying de l’industrie. Mais on y montrait aussi les chances pour un nouvel entrepreneuriat, pour la création de places de travail et pour le développement de technologies de pointe.

BrochureEnergissima_web

Dans l’allocution d’ouverture de ladite brochure, je tenais le même discours que celui que vous êtes en train de lire. Rien n’a changé et je n’ai rien pu faire. C’est l’une des raisons qui m’ont poussée à accepter d’être candidate au National. Je voudrais ne pas redire les mêmes choses dans quatre ans, je voudrais faire avancer ce dossier, et beaucoup d’autres.

Toutefois, chaque tournant technologique fait émerger des gagnants et pénalise ceux qui n’ont pas su s’adapter en temps voulu. Pas étonnant qu’ils essaient de freiner, quitte à bloquer un développement de société bénéfique, leurs intérêts étant plus importants de leur point de vue.

On prévoit aujourd’hui que les énergies renouvelables représenteront 25% à l’horizon 2020, alors qu’il serait techniquement possible d’arriver à plus de 50% dans le même délai.

L’Association Oui à la stratégie énergétique 2050 tient le même discours et propose des solutions pour que les emplois et les investissements restent en Suisse. Elle démontre que le rythme de la transition pourrait s’accélérer sans problème.

C’est dans ce domaine qu’un-e politicien-ne se doit de développer une compétence suffisante pour comprendre les enjeux et les résistances et ainsi pouvoir fournir un « suivi coriace » pour transformer les énergies de résistance. Et pour celles et ceux qui comme moi possèdent ces compétences professionnelles, il faut mettre et remettre cent fois l’ouvrage sur le métier.

2 Commentaires

  1. sylvie

    11 octobre 2015

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    Un mot encore sur l’article que j’ai rédigé ci-dessus. Bien sûr, le changement fait peur. C’est une constante. Et l’adage «Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras» a encore un bel avenir. Le tournant énergétique souffre de cette position systématique de repli, soigneusement entretenue par les lobbies. On a vu récemment émerger des initiatives privées intéressantes. Dans le domaine de la mobilité, avec Uber ; dans le domaine de l’hébergement avec Airbnb. Dans les deux cas nous avons assisté à une levée de boucliers, à l’intervention de certaines autorités politiques pour protéger des marchés qui, s’ils n’évoluent pas, ne seront plus à même d’offrir les services que l’on en attend pourtant. Le changement fait peur et du coup, personne n’ose empoigner ces problèmes. Souvenons-nous de ce que disait Sénèque : «Ce n’est pas parce que les choses sont difficile qu’on n’ose pas ; c’est parce qu’on n’ose pas que les choses sont difficiles».

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